vendredi 25 avril 2008

Le doux chant de Nelligan





C’est en 1879 que naît Emile Nelligan, le 24 décembre, aîné d’une famille de trois enfants.
Plutôt mauvais élève, rêveur qui ne s’intéresse qu’à la poésie, il abandonne définitivement ses études en 1897, à l’âge de dix-huit ans.

Il s’intéresse dès lors à la poésie, uniquement à la poésie, ce qui n’est pas sans déplaire à son père. Il découvre les romantiques et commence à écrire. Son premier poème, « Rêve fantasque » est édité dans la presse le 13 juin 1896, sous le pseudonyme d’Emile Kovar. Dix-huit autres textes seront également édités dans les trois mois qui suivront. Cinq sonnets sont ensuite édités par Le Monde Illustré.

En 1897, il est élu membre de l’Ecole Littéraire de Montréal, mais dépressif, replié sur lui-même, sa carrière tourne vite court…




Le 9 Août 1899, en pleine dépression, il est conduit à l’asile psychiatrique. Il n’en sortira jamais et meurt, le 18 novembre 1941, à l’âge de soixante et un an.






Je vous propose de découvrir quelques textes, merveilleux poèmes, nostalgiques, emplis d’un romantisme exacerbé et d’une douce musique couleur fado et qui rappellent souvent le spleen Baudelairien.


VIOLON D'ADIEU

Vous jouiez Mendelssohn ce soir-là ; les flammèches
Valsaient dans l'âtre clair, cependant qu'au salon
Un abat-jour mêlait en ondulement long
Ses rêves de lumière au châtain de vos mèches.

Et tristes, comme un bruit frissonnant de fleurs sèches
Éparses dans le vent vespéral du vallon,
Les notes sanglotaient sur votre violon
Et chaque coup d'archet trouait mon coeur de brèches.

Or, devant qu'il se fût fait tard, je vous quittai,
Mais jusqu'à l'aube errant, seul, morose, attristé,
Contant ma jeune peine au lunaire mystère,

Je sentais remonter comme d'amers parfums
Ces musiques d'adieu qui scellaient sous la terre
Et mon rêve d'amour et mes espoirs défunts.


VIEUX PIANO

L'âme ne frémit plus chez ce vieil instrument ;
Son couvercle baissé lui donne un aspect sombre ;
Relégué du salon, il sommeille dans l'ombre
Ce misanthrope aigri de son isolement.

Je me souviens encor des nocturnes sans nombre
Que me jouait ma mère, et je songe, en pleurant,
À ces soirs d'autrefois - passés dans la pénombre,
Quand Liszt se disait triste et Beethoven mourant.

Ô vieux piano d'ébène, image de ma vie,
Comme toi du bonheur ma pauvre âme est ravie,
Il te manque une artiste, il me faut L'Idéal ;

Et pourtant là tu dors, ma seule joie au monde,
Qui donc fera renaître, ô détresse profonde,
De ton clavier funèbre un concert triomphal ?


LE VENT, LE VENT TRISTE DE L'AUTOMNE !

Avec le cri qui sort d'une gorge d'enfant,
Le vent de par les bois, funèbre et triomphant,
Le vent va, le vent court dans l'écorce qu'il fend
Mêlant son bruit lointain au bruit d'un olifant.

Puis voici qu'il s'apaise, endormant ses furies
Comme au temps où jouant dans les nuits attendries ;
Son violon berçait nos roses rêveries
Choses qui parfumiez les ramures fleuries !

Comme lui, comme lui qui fatal s'élevant
Et gronde et rage et qui se tait aussi souvent,
Ô femme, ton amour est parallèle au Vent :

Avant de nous entrer dans l'âme, il nous effleure ;
Une fois pénétré pour nous briser, vient l'heure
Où sur l'épars débris de nos coeurs d'hommes, il pleure !


TRISTESSE BLANCHE

Et nos coeurs sont profonds et vides comme un gouffre,
Ma chère, allons-nous en, tu souffres et je souffre.

Fuyons vers le castel de nos Idéals blancs
Oui, fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.

Aux plages de Thulé, vers l'île des Mensonges,
Sur la nef des vingt ans fuyons comme des songes.

Il est un pays d'or plein de lieds et d'oiseaux,
Nous dormirons tous deux aux frais lits des roseaux.

Nous nous reposerons des intimes désastres,
Dans des rythmes de flûte, à la valse des astres.

Fuyons vers le château de nos Idéals blancs,
Oh ! fuyons la Matière aux yeux ensorcelants.

Veux-tu mourir, dis-moi ? Tu souffres et je souffre,
Et nos coeurs sont profonds et vides comme un gouffre.


TÉNÈBRES

La tristesse a jeté sur mon coeur ses longs voiles
Et les croassements de ses corbeaux latents ;
Et je rêve toujours au vaisseau des vingt ans,
Depuis qu'il a sombré dans la mer des Étoiles.

Oh ! quand pourrais-je encor comme des crucifix
Étreindre entre mes doigts les chères paix anciennes,
Dont je n'entends jamais les voix musiciennes
Monter dans tout le trouble où je geins, où je vis ?

Et je voudrais rêver longuement, l'âme entière,
Sous les cyprès de mort, au coin du cimetière
Où gît ma belle enfance au glacial tombeau.

Mais je ne pourrai plus ; je sens des bras funèbres
M'asservir au Réel, dont le fumeux flambeau
Embrase au fond des Nuits mes bizarres Ténèbres !


LE TALISMAN

Pour la lutte qui s'ouvre au seuil des mauvais jours
Ma mère m'a fait don d'un petit portrait d'elle,
Un gage auquel je suis resté depuis fidèle
Et qu'à mon cou suspend un cordon de velours.

" Sur l'autel de ton coeur (puisque la mort m'appelle)
Enfant, je veillerai, m'a-t-elle dit, toujours.
Que ceci chasse au loin les funestes amours,
Comme un lampion d'or, gardien d'une chapelle. "

Ah ! sois tranquille en les ténèbres du cercueil !
Ce talisman sacré de ma jeunesse en deuil
Préservera ton fils des bras de la Luxure,

Tant j'aurais peur de voir un jour, sur ton portrait,
Couler de tes yeux doux les pleurs d'une blessure,
Mère ! dont je mourrais, plein d'éternel regret.


À GEORGES RODENBACH

Blanc, blanc, tout blanc, ô Cygne ouvrant tes ailes pâles,
Tu prends l'essor devers l'Éden te réclamant,
Du sein des brouillards gris de ton pays flamand
Et des mortes cités, dont tu pleuras les râles.

Bruges, où vont là-bas ces veuves aux noirs châles ?
Par tes cloches soit dit ton deuil au firmament !
Le long de tes canaux mélancoliquement
Les glas volent, corbeaux d'airain dans l'air sans hâles.

Et cependant l'Azur rayonne vers le Nord
Et c'est comme on dirait une lumière d'or,
Ô Flandre, éblouissant tes funèbres prunelles.

Béguines qui priez aux offices du soir,
Contemplez par les yeux levés de l'Ostensoir
Le Mystique, l'Élu des aubes éternelles !


3 commentaires:

Anonyme a dit…

Le Petit Page se dit que, à cette heure-ci, Hypnos a peut-être enfin tiré les rideaux de ses paupières, pour profiter d'une grise matinée au lit... Alors, chuuuuuuutttttttttttt, pas de bruit, seulement un petit bisou au creux de l'oreiller pour effleurer le petit rêve en cours, et remercier pour ce poète ( que le PP ne connaissait pas ), pour les belles images ( PP croit avoir marché dans la dernière...? Est-ce...??? ),...et pour cette petite passerelle inattendue qui lui permet de rentrer chez lui directement...!

Le Petit Page, qui repart sur la pointe de feutre de ses chaussettes corriger de petits travaux...

Hypnos a dit…

Ha petit page, la dernière, c'est Bruges... La si belle!
Merci de ta visite et à bientôt, lorsque la connexion sera rétablie en ma modeste demeure

Anonyme a dit…

Que de beau commentaire as tu eu!!!et quel poète!!!merci d'avoir visité mon blog...j'invente de a à z toutes mes créations...en faite le procéder est simple mais faut avoir beaucoup de patience, mais tu peux te réaliser ce que tu veux...ça c'est le top.Tu trouveras sur mon blog le lien de camille carton, c'est grace a elle que j ai apris, tout est bien expliqué.Et si tu as envie je te donne deux trois tuyaux.Ah toi de voir, j suis a ta dispo pour des conseils si tu veux